LE PETIT FRERE...
-Mère est malade
-qu'est ce qu'elle a?
-le bébé dans son ventre!
-mais comment?
-par le nombril évidemment! dis je , d' un air trés entendu......
Quelque temps auparavent , ma mère, en grand secret nous annonçait l'arrivée d'un petit frère et mon père avait renchéri "oui, un petit frère"!, c'est de ce temps là que je me suis sentie investie d'une double responsabilité, protèger ma soeur et bientot un frère. Mon père en était sùr, c'était un garçon. La culture patriarcale avait la vie dure en ce temps là, on donnait priorité au garçon dans les familles pour sauver le nom et la descendance.....je le ressentais comme une injustice à mon égard.
Ainsi, j'observais avec curiosité et circonspection le ventre de ma mère qui ,chaque jour, s'arrondissait sous son tablier , ce dernier remontait maintenant sur sa jupe jusqu'au nombril.Avec courage, j'osais formuler une question "comment t'as fait?"
-c'est une petite graine qui pousse...
Evidemment cela ne me satisfaisait pas, rien n'est plus agaçant que de ne pas comprendre.Beaucoup de choses restaient mystérieuses, les voisines, par exemple qui abreuvaient ma mère de leurs prophéties.
-vous le portez haut et pointu, sans nul doute, c'est un garçon!
-suivez vous bien le régime "garçon"?
J'avais bien remarqué que ma mère agrémentait ses plats de beaucoup de sel, la salière diminuait à vue d'oeil, a cela s'ajoutait des charcuteries, de la viande, des fécules....
C'est ainsi que son ventre atteignit une ampleur terrifiante, je remarquais que le tablier maintenant reposait à plat sur le dessus du ventre, petit comme un mouchoir......j'étais perplexe devant ce phénomène inexpliqué de la graine qui pousse....
Le grand jour était arrivé! on nous avait "rangées" dans une pièce dont la porte restait béante, sous la garde bienveillante de la voisine, ainsi nous pouvions assister aux allers et venues incessants d'une grosse dame essouflée qui tempétait
- de l'eau! des serviettes!
C'était sùrement trés grave, ma soeur pleurait, moi aussi
en ces temps, la plupart des femmes accouchait à domicile, l'hôpital n'avait pas bonne réputation et l'on recourait aux services d'une Sage Femme
, elle avait une formation réduite et elle se déplaçait chez la future maman, actuellement ce métier a pratiquement disparu.
Donc, la voisine de garde persistait dans ses prophéties néfastes:
- pourvu qu'on ne lui mette pas" les forceps"!
Un mot terrible, j'imaginais ma mère sous la torture, et de ma vie j'ai banni ce mot de mon vocabulaire.Les cris du bébé nous sortirent de notre terreur.....la sage femme triomphante claironnait
-quel enfant magnifique! 4 kgs! c'est une fille!
Un silence accusateur acceuillit cette déclaration...., comment mon père avait pu se tromper ainsi??? encore une fille?, c'est alors que, livide ,il tourna les talons et partit.
Ma mère souriait, le bébé sur son ventre gigotait pour affirmer son existence nouvelle sur cette terre.
Ce fut un moment de grand bonheur, ma mère était sereine.
Ce petit bout de soeur, sur son ventre, était toute ronde, une houppe de cheveux raide sur son cràne nu....nous l'avons embrassé timidement.
Bien sùr, je n'ai pas pu voir si le nombril de ma mère était bien refermé vu que le bébé était posé dessus , avec en plus, l'insolence de ne pas être née garçon!
Mon père revenait, un bouquet de rose pour ma mère et déclara solennellement:
-le prochain sera un garçon!!! .....et le prochain, fort heureusement fut un garçon...
MICJI