LE CACTUS ROSE.....COLETTE (1873/1954)
Lors d'une séance de lecture à l'EHPAD, j'ai lu un extrait du roman de Colette, (1873/1954) ,"La naissance du jour", et j'ai vu sur le visage de ces personnes agées , des larmes furtives rouler au creux de leurs rides avouées.
Cet extrait , "le cactus rose",se laisse lire et relire à l'infini, plein d'amour, à l'écriture savoureuse et poétique, où chaque ligne se transforme en image.
Colette, écrivaine reconnue y révèle le portrait d'une trés vieille femme "Sido" et son cactus rose. Cette femme n'est autre que sa mère tant aimée.
Je livre ces lignes au regard de toutes les femmes , de toutes les mamans, au souvenir de ma mère, ce magnifique hommage de tendresse.
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"Monsieur,
Vous me demandez de venir passer une huitaine de jours chez vous, c'est à dire auprés de ma fille que j'adore. Vous qui vivez auprés d'elle , vous savez combien je la vois rarement, combien sa présence m'enchante, et je suis touchée que vous m'invitiez à venir la voir.
Pourtant je n'accepterai pas votre aimable invitation, du moins pas maintenant.Voici pourquoi:
mon cactus rose va probablement fleurir, c'est une plante trés rare, que l'on m'a donnée et qui m'a t'on dit, ne fleurit sous nos climats que tous les quatre ans. Or , je suis déjà une trés vieille femme, et, si je m'absentais pendant que mon cactus rose va fleurir, je suis certaine de ne pas le voir refleurir une autre fois......Veuillez donc accepter,.........(...) .
Ce billet signé " Sidonie Colette, née Landoy" fut écrit par ma mère à l'un de mes maris....l'année d'aprés, elle mourait, agée de soixante dix sept ans.
Au cours des heures où je me sens inférieure à tout ce qui m'entoure, menacée par ma propre médiocrité, effrayée de découvrir qu'un muscle perd de sa vigueur, un désir sa force, une douleur la trempe affilée de son tranchant, je puis pourtant me redresser et me dire:
" je suis la fille de celle qui écrivit cette lettre, cette lettre et tant d'autres que j'ai gardées.Celle ci, en dix lignes m'enseigne qu'à soixante seize ans elle projetait et entreprenait des voyages, mais que l'éclosion possible, l'attente
d'une fleur tropicale suspendait tout et faisait silence même dans son coeur destiné à l'amour.
Je suis la fille d'une femme qui, dans un petit pays honteux, avare et resséré, ouvrit sa maison villageoise aux chats errants, aux cheminots et aux servantes enceintes.
Je suis la fille d'une femme, qui vingt fois désespérée de manquer d'argent pour autrui, courut sous la neige fouettée de vent crier de porte en porte, chez des riches, qu'un enfant, prés d'un àtre indigent, venait de naitre sans langes, nu sur de défaillantes mains nues........puissé je n'oublier jamais que je suis la fille d'une telle femme qui penchait tremblante, toutes ses rides éblouies entre les sabres d'un cactus sur une promesse de fleur, une telle femme qui ne cessa elle même d'éclore, infatigablement, pendant trois quarts de siècle......."
La naissance du jour.
( les illustrations sont de Gabriel Lefebvre.)
----------à bientôt-----
MICJI